La téléassistance est morte, vive la e-assistance!

par Henri Delahaie

Les conclusions de l’étude PIPAME sur la téléassistance en France réalisée par CODA Strategies pour le compte du Ministère de l’Industrie, du Ministère de la Santé et de la CNSA sont désormais publiées suite à la présentation officielle du rapport le 24 février 2017.

Un constat fort qui transparait dans le rapport est l’importance de l’offre des services pour le développement du marché de la téléassistance, quel que soit les technologies innovantes qui peuvent être proposées. Même le marché actuel de la téléassistance démontre l’importance du service par rapport à l’équipement, environ 110 millions € en termes de prestations de services pour un marché annuel de l’équipement de l’ordre de 15 millions €. Par contre, la valeur du marché ne se développe pas malgré une croissance régulière du nombre de bénéficiaires avec une croissance annuelle moyenne de 5% par an depuis 2008 pour atteindre 580 000 personnes en 2016.

Cette étude sans faire un catalogue exhaustif de ces technologies -ce qui n’était pas son objet- a naturellement pris en compte la richesse de cette offre. Mais l’innovation de services devrait être contingente à l’innovation technologique, d’où cette idée de co-conception qui a été rappelée dans les recommandations de l’étude et qui a été soulignée lors de la matinée du 24 février dernier.

Les clients de ces « nouveaux » services sont déjà clairement identifiés, les aidants familiaux et les proches font l’objet d’une attention prioritaire, leur intégration dans la chaîne d’information ne présentant pas d’obstacles majeurs. Par contre, les autres parties prenantes comme les services médico-sociaux, les aidants professionnels, les professionnels de santé ne peuvent s’intégrer dans la boucle d’information que selon leurs propres critères et priorités. D’où le besoin de promouvoir et de négocier des cadres d’échanges avec les représentants de ces différentes institutions.

Mais ces nouveaux services ont besoin d’être supportés par des infrastructures de type plateformes offrant toutes les fonctionnalités d’interopérabilité, de normalisation, d’hébergement, de sécurité permettant de distribuer les informations relatives aux « nouveaux services ». Ce qui demande naturellement un effort d’investissement significatif pour les opérateurs de plateformes. Mais après tout, la fin du RTC les conduira de toute façon à migrer vers des solutions entièrement digitales.

C’est ici que le marché français peut se distinguer des marchés européens qui présentent des taux de pénétration élevés de la solution de téléassistance comme le Royaume Uni, la Suède, l’Espagne. Le marché français est extrêmement éclaté avec des modes d’intervention et d’organisation de la téléassistance qui se situent au niveau du territoire (département, communes, communautés de communes). Même si la collectivité territoriale n’est pas directement impliquée dans l’offre de services de téléassistance, elle va rester incontournable pour la validation de l’offre de ces services « institutionnels ». D’où l’exigence de trouver des prestations qui assument le retour pour les investissements qui vont devoir être réalisés sur les plateformes.

Pour surmonter les délais et les contraintes de cette situation, comment peuvent réagir les téléassisteurs ? L’Europe ne nous fournit pas de modèle pour répondre à cette question car les marchés leaders reconnaissent déjà la téléassistance comme une fonction support aux services du maintien au domicile. Il faudra donc découvrir de nouveaux marchés s’appuyant sur une population plus jeune, (la moyenne d’âge des personnes équipées étant actuellement d’environ 84 ans), et attirée par des services d’assistance qui correspondent à un mode de vie plus autonome. En passant on s’aperçoit que ces marchés sont beaucoup plus ouverts à des interfaces et des équipements numériques tels qu’ils sont développés aujourd’hui. Si on cherche la silver économie, elle doit être par-là !!! Avec une telle évolution, de nouveaux entrants sont attendus. Les téléassisteurs d’aujourd’hui n’ont pas tous vocation à être les catalyseurs des nouveaux marchés.

Naturellement, dans cette orientation, le mode de financement du service n’est plus du tout comparable. Les interventions et les aides publiques ne sont plus accessibles, il reste la solvabilité du sénior mais pourquoi pas les différentes caisses de retraite et les assureurs qui peuvent prendre en charge tout ou partie des nouveaux services proposés.

Au final, nous n’aurions plus un seul marché de la téléassistance, mais deux marchés qui se complètent, le marché de l’e-assistance avec des offres très discriminantes renvoyant à des besoins très divers pour les seniors actifs (de 60 à 80 ans environ pour fixer une classe d’age) et le marché de la téléassistance avec des innovations de produits et de services s’intégrant dans les politiques définies au niveau local et régional. A terme (2025), l’ensemble des deux marchés pourrait finalement représenter une valeur dépassant de façon significative les autres marchés européens où la téléassistance jouie aujourd’hui d’une forte pénétration.

Henri Delahaie est directeur associé de CODA Strategies. Il gère le pôle « Télécoms, M2M et téléservices » de CODA et, à ce titre, a assuré la direction de toutes les études CODA dans les domaines de la téléassistance et de la santé.